Aller au contenu principal

Histoire de l'Urbanisme | Trois femmes diplômées de l’EUP

Disposant d'un fonds historique unique, l'EUP met à disposition des chercheurs et chercheuses des ressources clés en matière d'histoire et d'urbanisme. Focus sur trois urbanistes pionnières encore mal connues : Pauline Lévy, Renée Moity-Bizary, Mirana Menil-Gheorghiu.

13 octobre 2021

Trois femmes diplômées de l’EUP
Quelque éléments biographiques

 

Pauline Lévy

Née le 28 mai 1891 à Nanterre. Décédée le (inconnu) à (inconnu).

À propos de Pauline Lévy, il y a actuellement peu d’informations. Mais elle est la première femme diplômée d’urbanisme, dès 1922.

Sa thèse, présentée le 16 novembre 1922 est également la plus ancienne conservée dans le fonds historique Poëte et Sellier de l’École d’Urbanisme de Paris — celle de Maurice Bonnefond*, tout premier diplômé de l’Institut d'urbanisme de l'Université de Paris (IUUP), ayant disparu — est particulièrement volumineuse et intéressante.

Intitulée Évolution d’une partie du Grand Paris, dite "la Presqu'île de Gennevilliers", elle articule une analyse du territoire allant de Suresnes-Rueil à Gennevilliers, notamment sa dynamique industrielle, avec l’aménagement du "Grand Paris" des années 1920 (Port de Gennevilliers du Plan Jaussely, cités-jardins du département de la Seine, etc.). Elle souligne combien les plans d’aménagement demandés aux communes par la loi de 1919 ne peuvent avoir de sens que dans une perspective intercommunale, et surtout métropolitaine.

Pauline Lévy occupera une emploi administratif important à l’Office Public d’Habitations à Bon Marché du Département de la Seine comme Chefe du Service de Secrétariat Général et de comptabilité.

À travers sa trajectoire se retrouvent les éléments mis en évidence par Lucile Biarrotte, dans sa thèse sur le genre en urbanisme. À savoir les "potentialités féministes" de l’urbanisme dans les années 1920, et dans l’entourage d’Henri Sellier dont faisait partie Pauline Lévy, comme le montre sa thèse, dirigée par Marcel Poëte, mais citant abondamment le maire de Suresnes. 

*BONNEFOND  (Maurice)  (Thèse  non  trouvée),  Les  Colonies  de  bicoques  de  la  banlieue  parisienne [Non trouvée], Thèse IUUP dirigée par Ed. Fuster, Université de Paris, 1922.

 

Renée Moity-Bizary

Née le 2 juin 1907 à Volvic (France). Décédée le (inconnu) à (inconnu).

Diplômée de fin d’études secondaires, sa scolarité en urbanisme (1928-1931) se conclut par sa thèse, présentée le 14 décembre 1931. Elle porte sur l' Évolution urbaine de Vichy (1931), intéressante et dans la lignée des monographies urbaines dirigées par Marcel Poëte.

"Ce mémoire est caractéristique des "évolutions de ville", commençant par la présentation d’éléments géographiques et historiques ("monographiques") sur la grande cité thermale. Mais il se détache du modèle proposé son directeur, par l’importance accordée aux services publics, classés en "municipaux" et "autres" ("espaces libres, distractions et sports..."), et par une conception moins totalisante de l’aménagement. La "difficulté" (nous dirions aujourd’hui la problématique) de l’urbanisme de cette ville, nous dit Renée Moity-Bizary, est de devoir répondre aux besoins d’une "population flottante [fluctuante], à la fois très diverse, instable et fort exigeante" et à l’impératif de mettre en œuvre un projet dans les villes thermales et touristiques, obligation clairement contenue dans la loi de planification de 1919. Elle considère que cette ville auvergnate est dépassée ("querelles, rivalités, routines") par ces fortes demandes, et propose d’"améliorer et étendre" les orientations du plan à l’étude, et ceci en matière de zonage, espaces libres, circulations... Une démarche assez pragmatique qui prend acte de façon critique des premières visions, à la fois doctrinaires et timides, de la jeune discipline.  
Il s’agit d’un exercice d’école qui n’a pas vocation à être mis en œuvre. Signalons que dix ans plus tard, pendant l’Occupation, c’est l’urbaniste Gaston Bardet, vichyssois de naissance et grande figure de l’IUUP, qui établira un plan pour Vichy et son bassin environnant.  
Renée Moity-Bizary l’a-t-elle connu ? Nous ne le savons pas comme nous ne connaissons pas la suite de sa trajectoire professionnelle. A-t-elle exercé comme architecte, profession alors également peu féminisée ? Son pas de côté vers l’urbanisme était-il une façon de singulariser sa trajectoire ? Nous savons d’elle qu’elle participe au Salon des Arts Ménagers de 1934, et que son article dans l’Architecture d’aujourd’hui (juin 1934) sur l’urbanisme en Roumanie, fera référence à Bucarest en matière d’architecture de villégiature. 
Nous gardons d’elle enfin le joli portrait dessiné en page de garde par l’un des membres de son jury de soutenance de l’IUUP que nous reproduisons ici."
Laurent Coudroy de Lille, panneau commémoratif des "Diplômées de l'IUUP", 2019.
[URL : https://www.eup.fr/fileadmin/redaction/EUP/Documents/Evenements/50_ans_100_ans/50_ANS_EUP-PANNEAUX-Les_diplomees-750x1800mm-10mm_Fp.pdf]

 

Mirana Menil-Gheorghiu

Née en 1920 à Bucarest.

Étudiante au début des années 1960, présente sa thèse Une cité sanitaire pour les travailleurs, Grands handicapés physiques le 18 décembre 1962.

Si nous ne savons rien du moment ni des conditions d’arrivée de cette étudiante en France (pour ses études ? péripéties de l’histoire roumaine à partir de 1940 ?), si ce n’est qu’elle était déjà mariée à l’architecte-urbaniste français Serge Ménil (1929-2007; grand prix de Rome qui fit des propositions pour la région parisienne), quand elle s’inscrit à l’IUUP, et qu’elle était diplômée en architecture (DPLG) en 1955. Aux Beaux-Arts, elle avait suivi l’atelier de Jean-Baptiste Mathon puis de Noël Lemaresquier. De manière classique durant ces années, son diplôme d’urbanisme complète sa formation d’architecte.

Contrairement à de nombreuses thèses d’urbanisme d’étudiants étrangers, celle de Mirana Gheorghiu ne porte pas sur son pays d’origine qu’elle avait définitivement quitté, mais sur une thématique générale appliquée à une commune de la banlieue de Lille, Faches-Thumesnil. Elle a été dirigée par Robert-Henri Hazemann*, urbaniste, enseignant et hygiéniste qui avait été directeur de cabinet de Henri Sellier, puis fut responsable du bureau d’hygiène de Vitry-sur-Seine puis d’Ivry-sur-Seine. Dit HR (« Achère » ) il porta jusqu’aux année 1960 le message et l’enseignement sanitariste. La thèse de Mirana Gheorghiu en porte la marque, mais prolonge aussi la thématique de son diplôme d’architecture qui portait sur « Un centre de post-cure et réadaptation professionnelle ». Sa thèse est originale, révélatrice aussi des sujets « genrés » en ce qu’elle porte sur un sujet sanitaire, social et médical.

Mirana Georghiu a travaillé comme architecte en France, et présente par exemple des projets d’aires de repos routières autoroutières en 1964.

*Pour en savoir plus sur Robert-Henri Hazemann, cf. son entrée dans Le Maitron : https://maitron.fr/spip.php?article74510 [Archive]

Ces notices et recherches biographiques ont été réalisées par Laurent Coudroy de Lille, maître de conférences à l’EUP, membre du Lab’Urba.